Nous continuons notre voyage à Bornéo en longeant la côte nord de l’île. Oh, ce que cette île recèle de trésors humains et naturels ! Même si les transports sont longs, elle vaut le coup d’être découverte.
Et j’étais sur la route toute la sainte journée
Après avoir passé une agréable journée chez l’habitant (voir article Bornéo 2), nous prenons un bus de nuit pour Kota Kinabalu… arrivés à 4h00 du matin… gare routière … la nuit fut courte et difficile.
Nous n’avons aucune idée d’où nous voulons maintenant aller (je n’en ai pas encore parlé, mais c’est une difficulté dans ce genre de voyage : programmer, organiser la suite, jour après jour, ce n’est pas évident)… Et en plus il est encore trop tôt pour avoir un petit déjeuner… bref c’est dur !
Après 2h de réflexions et changements d’avis, nous décidons de ne pas rester dans cette ville (l’ascension du volcan semble trop physique), et nous écartons aussi les grottes au cœur du pays (accessibles uniquement en avion).
C’est donc dans un nouveau bus, direction Miri, vers l’ouest, que nous repartons. Et cette journée va être looooongue… 10h de bus, ponctuées de 10 arrêts aux frontières et de 10 tampons sur notre passeport… et oui, nous avons traversé les deux bouts de ce petit état qu’est le Brunei, largement plus riche que sa voisine, grâce à ses ressources de pétrole.
De parc national en caves, nous explorons les sites naturels
Le Parc National de Lambir Hill
Après une bonne nuit réparatrice, nous partons en bus pour le Parc National de Lambir Hill. En arrivant à 14h, il ne nous reste que 2h avant la fermeture pour faire une balade dans ce bout de forêt préservé et aménagé pour le tourisme. Nous nous baignons, absolument seuls dans un petit lac, et finissons la balade en courant pour sortir de la forêt avant la nuit… les distances sur le plan ne doivent pas vraiment correspondre ! Certes une jolie balade en forêt, mais rien d’exceptionnel face aux expériences que nous avons précédemment vécues.
Nous dormons dans les hébergements du parc, et je trouve une drôle de surprise en prenant ma douche… une sangsue qui a fait un bon repas sur mon mollet ! (PS : oui, c’est bien mon mollet, çà repousse plus vite les poils quand il fait chaud, ha ha ha ;-))
Niah’s caves
Le lendemain, nous rejoignons en stop les caves de Niah. 4km sur un ponton en bois un peu glissant nous amènent dans une grotte/cave dans laquelle des fouilles géologiques ont révélé des vestiges humains de -40 000 ans, et un peu plus loin des peintures rupestres de 1200 ans. Le site est également connu pour l’exploitation des « nids d’hirondelles » (comme nous avons déjà vu dans les grottes précédentes, voir article ICI).
A la découverte de l’histoire et des traditions de l’ethnie Kayan
Grâce à nos contacts avec Daniel (merci le lonely planet une nouvelle fois), un chauffeur vient nous chercher pour nous emmener à « Uma Bawang », une maison longue du peuple Kayan, dans la province de Belaga. Nous sommes un peu serrés dans le pick up de 2,5 places mais pour 3h de route, on fera avec ! Nos sacs à l’extérieur se prennent une bonne saucée, et première activité en arrivant, nous étendons toutes nos affaires !
Les Kayans, un peuple déplacé à cause de la construction d’un barrage
Le peuple Kayan est une tribu du nord de Bornéo. Ils vivaient avant de la chasse, de la pêche et de la cueillette en forêt. Ils étaient heureux ainsi, et leurs traditions se transmettaient de parents à enfants.
Mais il y a 15 ans, le gouvernement Malaisien a décidé la construction d’un barrage hydroélectrique qui a inondé 700 km² et a délogé 10 à 15 000 membres de cette tribu de leurs terres ancestrales. Il semblerait que la corruption ne soit pas étrangère à cette décision, et l’utilité économique de ce projet ne serait pas prouvée, les besoins électriques de cette région éloignée ne nécessitant pas un tel équipement.
Le gouvernement a certes donné quelques aides pour la reconstruction des maisons, mais les habitants sont maintenant situés entre une route et une exploitation de palmiers à huile, ils ne peuvent plus vivre de leurs traditions, ne peuvent plus pêcher ni chasser, se sentent désœuvrés et l’accès à l’eau quotidienne est limitée. Les jeunes n’apprennent plus de leurs ancêtres, et partent de plus en plus à la ville trouver un travail.
http://www.rfi.fr/contenu/20100112-borneo-70-000-hectares-jungle-engloutis-barrage
Nous sommes logés chez Jonica, qui vit avec sa soeur, ses parents et deux de ses petits enfants.
La maison longue : un habitat participatif de longue date
Ce peuple vit traditionnellement dans des maisons longues, une super longue maison sur pilotis, en bois, avec une longue galerie couverte mais ouverte sur l’extérieur, qui sert de couloir, de pièce commune pour les cérémonies, de salon commun… On y épluche les légumes, on y discute, les enfants jouent…
et puis une porte avec un appartement tous les 5/7 mètres environ. Les maisons peuvent faire jusqu’à 200 portes ! Celle où nous sommes en compte 120, en deux longueurs. Chaque appartement comporte un salon, une cuisine et une petite salle de bain, et à l’étage une ou 2 chambres. Parfois, les appartements communiquent par l’intérieur.
Nous nous promenons le long de la galerie l’après midi, mais nous nous sentons un peu ovnis ici. Le contact est difficile avec le peu d’habitants que nous croisons, et de toute façon, la langue est un problème majeur car mis à part notre hôte, ils ne parlent pas anglais. Nous envisageons donc de repartir le lendemain.
Jusqu’à ce que nous arrivions devant la porte du « référent du village », qui nous propose de rester jusqu’à samedi… pour le mariage de son frère ! C’est une expérience qui promet d’être enrichissante.
Découverte de la vie quotidienne en maison longue
Le lendemain, avec Julia, une voisine ( !), nous allons faire au tour au marché local. Là où avant ils avaient presque tout le nécessaire à proximité de leur village, ils doivent maintenant faire plusieurs km (et donc avoir un véhicule motorisé…) et aussi avoir de l’argent pour acheter leurs provisions.
Puis elle nous fait visiter les exploitations du village : cacao, poivre, concombre, tabac…
Dans la maison, nous observons une femme entrain de hacher très finement des feuilles de tabac frais, qu’elle va mettre à sécher sur une bâche au soleil pour la journée, avant de l’utiliser ensuite, pur, dans des cigarettes roulées.
Quand au poivre, il faut d’abord égrainer les grappes en marchant dessus (souvenez-vous en la prochaine fois qe vous poivrez votre omelette ;-)) ! Puis les grains triés sont également étalés au soleil pour sécher.
Un gros orage éclate. Coupure d’électricité dans toute la maison longue. Nous dînons à la bougie dans le corridor avec Julia et avec la sœur de Jonica. Les éclairs font peur aux villageois.
Les préparatifs du mariage
Puis dans les cuisines collectives du village, nous sommes invités à assister aux préparatifs du mariage du lendemain. Les femmes préparent des biscuits tandis que les hommes… tuent le cochon. Je me bouche les oreilles. La bonne humeur est de mise et les rires vont bon train. Les verres d’alcool de riz y aident certainement. Nous n’y coupons pas, et c’est mal poli de refuser… mais vraiment, nous n’aimons pas çà !
Samedi matin, la sœur de notre hôte s’active avec d’autres villageois pour terminer de préparer le lieu pour le mariage. La cérémonie et la fête se dérouleront dans la galerie commune. Les murs sont décorés avec une bâche qui mentionne le nom des mariés, des tissus de couleur et des chapeaux et boucliers traditionnels.
La cérémonie traditionnelle du mariage
En fin de matinée, tandis que la mariée attend dans l’appartement familial, les villageois et le marié arrivent en chantant, parés de leurs habits et bijoux traditionnels. C’est exceptionnel pour nous de pouvoir assister à cela ! Le marié porte un chapeau, des bijoux, une espèce de « moumoute » et un pagne. Les personnes référentes du village accueillent le marié avec un petit discours, puis il va chercher sa belle dans l’appartement. Elle est vêtue d’une robe et du chapeau traditionnel.
Accompagnés d’une douzaine de jeunes hommes et jeunes femmes, les mariés vont danser à la queue leu leu pendant 30 min, en cercle entre la galerie et deux appartements. Pendant ce temps, les villageois et invités s’installent par terre, et les biscuits préparés la veille et des boissons sont distribués à tous. Il y a quelques biscuits bizarres… genre une gaufrette croustillante aux anchois 🙁
Les personnes de la famille proche et les anciens du village font chacun un discours, avec des conseils aux jeunes mariés pour bien vivre ensemble ! Les mariés ne sont d’ailleurs pas si jeunes (vis-à-vis des coutumes locales je veux dire, puisqu’ils ont entre 35 et 40 ans). Les cadeaux sont disposés sur une petite table : parang (sorte de machette) et chapeau ornés de perles, …
Puis suivent les traditionnelles photos avec famille et amis.
Tous les invités sont ensuite conviés à rejoindre le buffet : poisson, porc bouilli, curry de poulet, émincé de fleur de bananier (oui, oui), riz, purée de citrouille. Chacun s’assoit à sa guise… les familles se retrouvent dans ce genre d’occasions. Les mariés font le tour des invités (nous y compris) avec une bonne bouteille de whisky.
L’après midi se déroule gentiment, entre danse, sieste et bavardages… La bière et l’alcool de riz coulent à flot. C’en est même très désagréable, car nous n’aimons pas l’alcool de riz, mais quelques rigolos se font un plaisir de nous forcer, et comme c’est malpoli de refuser… Certains invités ne se laissent pas prier eux, et le taux d’alcoolémie monte dans la maison longue…
Nous dînons de nouveau aux frais des mariés le soir. De grandes marmites ont été préparées dans les cuisines collectives et chacun vient se servir.
Nous quittons le lendemain la maison longue et le peuple Kayan.
Après quelques heures de voiture, sur une route défoncée et terreuse (heureusement que c’est un 4×4), nous rejoignons la ville de Belaga.
Une après midi détende, un dîner frugal aux petits stands de rue…
Puis nous flânons avec Sabine, une française de notre guesthouse… et nous tombons sur une soirée dans la cour d’une église, où des fidèles se retrouvent pour leur fête annuelle, autour d’un barbecue, de bières… et d’un karaoké ! Ai-je déjà parlé de la passion que les Asiatiques vouent au karaoké ? Même si çà casse littéralement les oreilles de les entendre chanter faux dans une mauvaise sono… bon ben voilà ! En tout cas, c’était drôle de passer cette soirée avec des prêtres Africains parlant français, et chanter avec des Indonésiens…
Descente de la rivière en bateau
Depuis Belaga, nous décidons de redescendre vers Kuching en bateau, le long de la rivière Sungai Ranjang. C’est un peu plus long qu’en bus, mais plus typique et original !
Le matin, nous prenons un premier bateau rapide pour Kapit. Il est autorisé de se mettre sur le toit, et c’est vrai que l’emplacement est idéal pour profiter du paysage ! Le long de la rivière, nous apercevons des maisons longues, les bateaux des habitants, des enfants qui se baignent… Le bateau fait de nombreux arrêts dans les villages pour faire monter ou descendre des passagers, ou livrer des colis. Parfois, il y a des rapides dans la rivière… Il faut bien s’accrocher !
A Kapit, nous prenons notre déjeuner avant de prendre un autre bateau pour Sibu, où nous arrivons en fin d’après midi et restons dîner et dormir.
Le lendemain, autre bateau pour rejoindre notre destination finale : Kuching. Le bateau est plein, et il pleut, donc nous restons à l’intérieur, dommage !
Kuching : dernière balade dans la jungle
Agréable ville de Kuching
Kuching est une ville moyenne, relativement agréable. Le centre se parcourt aisément à pied. Fatigués de nos récents périples, nous flânons deux jours, et arpentons les rues à la recherche des dessins de « street art » aussi beaux les uns que les autres.
Nous nous baladons le long de la rivière, observant le gigantesque bâtiment du parlement et visitons un temple chinois.
Et le soir, nous tombons sur un défilé de fidèles chrétiens, célébrant noël (avec un peu d’avance) dans les rues avec des bonnets rouges, des tee-shirts assortis et des chars aux néons fluos !
La jungle du Parc National de Bako
Puis nous décidons de passer une journée au parc National de Bako, petite pépite de jungle de 30 km² situé à l’extrémité de la péninsule, particulièrement riche en biodiversité animale et végétale. Après une heure de bus local, nous embarquons sur un petit bateau pour faire les derniers km entre la rivière et la mer. Mais la marée est trop basse, et notre bateau s’envase ! Le chauffeur descend pour pousser… en faisant attention car il y a ici des crocodiles !
16 chemins de randonnée ont été aménagés dans ce parc, de 2 à 24h ! C’est parti pour la balade… çà grimpe ! Nous commençons par traverser la jungle tropicale, à la recherche notamment des singes nasiques (proboscis) avec un grand nez. Et nous sommes chanceux d’en apercevoir. Il y a même un mâle qui urine au dessus de nous, vite à l’abri !
En haut du pic rocheux, la végétation est radicalement différente : c’est sec, la roche est apparente au sol. Nous observons de nombreuses plantes carnivores.
De retour au bureau du parc, nous observons des macaques jouant sur les toits des logements, ainsi que des cochons sauvages, qui ont littéralement labouré les espaces verts !
Et dans la mangrove, des crabes violonistes (également appelés « cé ma faute » notamment aux Antilles ha ha ha)
Nous reprenons notre bateau avant que le niveau d’eau ne rebaisse de trop, et rentrons sur Kuching en bus.
Nos aventures à Bornéo se terminent. Le dimanche 9 décembre, nous prenons un vol pour Singapour. Il est bientôt temps pour Jérôme de rentrer en France, et moi je vais continuer mon périple direction la Birmanie.