Après quelques jours à Singapour, je prends un vol le jeudi 13 décembre 2018 pour la capitale du Myanmar (Birmanie). J’ai été acceptée pour un bénévolat au « Aggacara (Noble Practice) ITEMC », un Centre International d’Education et de Méditation Bouddhiste, qui a été créé il y a quelques années par deux femmes moines : les Vénérables Aggavati et Cālā.
Un peu d’histoire
Le Myanmar est situé entre la Thaïlande, la Chine et le Laos à l’est et au nord ; et le Bangladesh et l’Inde à l’ouest. Le pays est devenu indépendant du Royaume-Uni en 1948 et compte actuellement 51 millions d’habitants, les Birmans. 85% de la population pratique le bouddhisme, de la tradition Theravada (« petit véhicule »).
Le pays s’est malheureusement fait entendre en 2016/2017 à cause des affrontements entre les Rohingya, minorité ethnique musulmane, et les forces de police. Certains incitaient à boycotter cette destination, pour ne pas encourager ces pratiques, cependant la situation réelle (pour en avoir discuté avec des locaux) ne correspond pas exactement à ce que les médias ont retransmis en France ; et une baisse du tourisme aurait certainement plus d’impact négatif pour les habitants qu’un réel impact politique.
Yangon : ses pagodes et la vie des moines
Je commence ma découverte du Myanmar par sa capitale : Yangon ou Rangoun, capitale de 4,5 millions d’habitants, ses rues animées, ses marchés, ses parcs et ses pagodes célèbres (une pagode est un lieu de culte bouddhiste, qui contient une relique).
La pagode Sule
La pagode « Sule », vieille de 2000 ans, se situe maintenant… au milieu d’un rond point !!!! Un étudiant-guide m’accompagne pour la visite, qui se fait pieds nus. Il m’apprend ainsi les traditions, comme celle de jeter de l’eau sur l’arbre sacré (un ficus dont une partie du tronc est recouverte d’or) et surtout, prier le Bouddha de son jour de naissance. J’ai donc versé 5 verres d’eau et fait résonné le tambour du Bouddha du… dimanche !
La pagode Shwedagon
La pagode de « Shwedagon » est le lieu bouddhique le plus important du pays, car selon la légende, il contient des reliques de 4 anciens Bouddhas, dont des cheveux de Bouddha Gautama (LE Bouddha, fondateur historique du bouddhisme).
Malgré que la couverture d’or de la pagode principale (98m de hauteur) soit en rénovation, le site est absolument grandiose (surtout à la lumière du soleil couchant) : vaste complexe de 72 autres pagodes, pagodons, salles de prières…etc
Ce lieu est visité par de nombreux moines (bonzes), les hommes étant drapés d’une toge marron ou orange, et les femmes de rose, tous ayant la tête rasée ; ainsi que de nombreux pratiquants qui viennent rendre hommage à Bouddha, invoquer un destin favorable ou racheter leurs fautes. Les rituels les plus courants sont les offrandes de billets, fleurs, fruits, encens ; verser de l’eau sur une statue ; prier, chanter.
La vie des moines Birmans
Les moines sont très respectés au Myanmar. Entre 5 et 15 ans, après une cérémonie collective (avec chevaux ou chars à bœufs, défilé, bijoux et vêtements de fête) les jeunes garçons entrent au monastère comme novices. Devenir moine offre, pour une partie de la population, une opportunité d’offrir à leur fils une éducation.
Les moines vivent dans les monastères, mais restent libres de quitter cette vie s’ils le souhaitent. Ils font vœu de pauvreté, de chasteté, n’ont pas le droit de toucher une femme (des sièges leur sont réservés dans les bus), de danser, conduire ou posséder d’argent. Ils mendient leur nourriture en arpentant la ville, ne possèdent que leurs vêtements, un bol à aumônes, un rasoir, du fil et une aiguille, et des livres (le téléphone portable tend à s’ajouter à cette liste !). Ils sont donc dépendants de la générosité des fidèles, certains offrant jusqu’à 25% de leurs revenus au monastère !
En échange, les moines offrent un enseignement aux enfants, des conseils et une écoute attentive à tous.
Les femmes moines doivent aussi se raser la tête, porter une toge (rose) et mendier leur nourriture (seulement 2 fois par semaine) mais elles n’ont pas le même statut que les hommes et ne vivent pas dans les mêmes monastères que les hommes.
Méditation et bénévolat au Centre Aggacara
Le 15 décembre, je rejoins en bus, dans un village de campagne, le nouveau Centre d’Education et de Méditation Aggacara, un centre bouddhiste, créé il y a 2 ans par les femmes moines Venerables Cālā et Aggavati. J’ai eu ce contact par la plateforme Workaway, qui met en relation locaux et bénévoles. L’objectif du Centre est de proposer une éducation gratuite pour les enfants et jeunes filles moines en devenir, sur les thématiques du Dhamma (enseignement du Bouddha), de l’anglais, des compétences informatiques et du savoir vivre. Je suis au départ la seule bénévole, mais me rejoindront dans quelques jours deux jeunes femmes : Iris (d’origine Chilienne) puis Ida (de Lituanie).
Le quotidien au Centre Aggacara
Le Centre se compose d’une grande salle de prière et de célébrations, avec un autel et une statue de Bouddha, et une grande salle de méditation/bibliothèque à l’étage. En plus des deux bonzesses et des bénévoles, vivent ici un frère et une sœur de 10 et 8 ans, qui ont été recueillis car leurs parents ne pouvaient subvenir à leurs besoins.
Les journées du lundi au samedi se composent de la manière suivante :
- 4h45 : réveil (difficile, j’avoue !)
- 5h00-7h00 : méditation en autonomie (assise et marche lente, en alternance ; sur décor de levé de soleil sur la campagne !) et chants traditionnels en langue pali (langue liturgique du bouddhisme theravada)
- Puis petit déjeuner (du riz même au petit dej !)
- 7h30-10h30 : bénévolat (ménage des communs, nettoyage de la statue de Bouddha, jardinage…)
- 11h00 : déjeuner en silence
- 12h-15h : sieste et lecture de livres sur le Dhamma (enseignements de Bouddha), en anglais !
- 15h-17h30 : bénévolat (cours d’anglais aux jeunes du village, jeux éducatifs avec les enfants, traductions de livres…)
- Puis douche, lessive et dîner
- 18h30-20h30 : de nouveau méditation en autonomie, chants en pali et échanges et questions autour de l’enseignement Dhamma avec Vénérable Cālā
- 21h : dodo !
Forcément, ils ne fêtent pas noël là bas… mais, pour nous faire plaisir à nous bénévoles, le jour de noël, les enfants ont porté un bonnet de père noël ! Et j’ai profité d’une pause pour passer un appel whats app en France, et passer le bonjour à toute ma famille, réunie autour d’un bon repas.
Les enseignements de la philosophie bouddhiste
Voici un résumé des informations que j’ai apprises au cours de mes lectures et échanges avec les bonzesses du Centre : Bouddha ne se considère pas comme un Dieu, il est un humain qui enseigne le chemin. Il a un esprit pur, sans attachement, ni avidité, ni haine. Bouddha enseigne que chacun est responsable de se sauver lui-même, ce n’est pas à un Dieu de vous sauver, Dieu n’est là que pour montrer le chemin.
Les 3 grands principes du Dhamma (enseignement de Bouddha) sont :
– avoir foi et confiance envers les 3 guides spirituels :
- Buddha qui aide les humains à éviter le danger et encourage à faire ce qui est bon,
- Dhamma (son enseignement) qui écarte la peur et les dangers,
- Sangha qui permet d’avoir des résultats abondants
– croire au Kamma (équivalent du karma), selon lequel la destiné d’une personne est déterminée par ses actions passées, dont ses vies antérieures ;
– observer les 5 préceptes : respecter toute forme de vie, ne pas voler, ni mentir, ne pas avoir de conduite sexuelle inappropriée, ni prendre de produits toxiques.
Les 10 préceptes de perfection à respecter au mieux au quotidien :
- la générosité
- la moralité
- la renonciation aux choses matérielles
- la sagesse
- l’effort des actions bien faites
- la patience
- l’honnêteté
- la volonté
- la bienveillance
- l’équanimité, l’acceptance
Les 4 nobles vérités sont :
- « Dukkha » : la souffrance, l’insatisfaction, le chagrin, la peine… dans nos vies sont liées aux 3 poisons de l’esprit : l’avidité/la convoitise ; la haine/la colère et l’illusion/l’ignorance. Il existe 5 objets de notre attachement : la matière (humains), les sentiments, les perceptions, les états mentaux et la conscience.
- « Samudaya » : correspond à la source de la souffrance, c’est-à-dire l’avidité, l’attachement, le luxe, l’état mental
- « Nirodha ou Nibbāna » : c’est la fin de la souffrance
- « Dukkha nirodha gāmini pati sada » : est le chemin qui mène à la fin de la souffrance (le noble chemin des 8 principes = avoir un/une/des juste(s) compréhension, pensées, expression, action, façon de vivre, effort, concentration et état d’esprit).
En apprenant à observer et comprendre nos souffrances, et à en détecter les sources ; alors nous pouvons visualiser la fin de la souffrance, et appliquer le noble chemin des 8 principes pour y arriver.
Un dimanche avec la famille de Htet
Le dimanche, c’est journée libre (après la méditation). Htet, Mon élève en cours d’anglais, devenue une nouvelle amie, souhaite me faire découvrir sa vie locale, et m’invite chez elle, avec Iris une autre bénévole. Elle vit avec ses parents, son frère, une autre sœur et un neveu.
Elles commencent par nous faire découvrir le thanaka. Kesako ? C’est une pâte cosmétique blanc-jaune, d’origine végétale (le tronc d’un arbre), qui est utilisée sur le visage, le plus souvent avec 2 ronds sur les joues, mais parfois des formes artistiques. Le thanaka a un effet rafraîchissant, protège du soleil, évite l’acné et a des vertus anti-rides ! On le trouve dans tous les marchés locaux, sous forme de buchette (traditionnel) ou en poudre à réhydrater. Toutes les femmes, les enfants et parfois les hommes en mettent quotidiennement.
J’ai adoré le thanaka et en ai ensuite mis toute la fin de mon séjour au Myanmar ! Ce qui faisant bien rire les locaux de voir une touriste se plier à leurs coutumes.
Nous partons ensuite en bus à la pagode japonaise, où nous devons faire la queue pour entrer, car il y a beaucoup de fidèles. Au RDC, une salle de prière où nous respectons le protocole, puis dans les (7 ?) étages, des centaines de statues de Bouddha, de toutes tailles ! Et dans le parc autour, des dizaines de petits temples en brique.
Au retour, la maman de Htet nous a préparé plusieurs currys différents (mélanges de légumes, épicés différemment) et une purée à l’avocat à tomber par terre !!!
Cérémonie d’offrande aux moines en formation
Le mercredi 26 décembre, Vénérable Aggavati nous fait l’immense honneur de nous emmener à une cérémonie d’offrande. Dans la philosophie Bouddhiste, les fidèles sont extrêmement généreux : les dons prennent la forme d’offrandes de billets, fruits… mais aussi de dons financiers pour l’achat des vêtements des nouveaux moines dans un monastère (30 ans d’attente pour avoir l’honneur d’offrir les tenues) ou le paiement d’un repas pour l’ensemble des étudiants.
Nous partons donc aux aurores pour le Monastère de la Forêt de Mahavihara, où Vénérable Aggavati a fait un don pour le service du petit-déjeuner des 1000 moines en formation. Ce sont les cuisines du monastère qui ont préparé dans d’énormes marmites : du riz bien sûr, curry de poulet, du chocolat chaud et du pain grillé. Nous sommes prêts… les moines arrivent par centaines, dans un silence absolu, et défilent, tendant leur bol pour recevoir les dons de nourriture, le regard parfois plongé dans un livre… puis ils vont s’asseoir dans une immense pièce, et mangent, tous ensemble, dans un silence toujours absolu. C’est vraiment une expérience impressionnante.
Bouddha géant et village de nones
Un autre jour, nous ferons une autre sortie avec Vénérable Aggavati, pour aller visiter un Bouddha géant (on peut visiter l’intérieur) et rencontrer des nones amies, qui vivent regroupées dans un village de nones.
Après 2 semaines passées au Centre, 38h de méditation et 18h de lectures Bouddhistes… j’ai beaucoup appris sur la philosophie bouddhiste. Combiné avec les 30h hebdomadaires de bénévolat de ménage, jardinage et cours d’anglais… j’avoue que les journées étaient un peu trop chargées. Mais ce fût tout de même une expérience extrêmement enrichissante.
Je quitte le Centre Aggacara pour continuer mon voyage et la découverte du Myanmar… destination Bagan, pour aller fêter le nouvel an !
Tu as eu la chance de partager le quotidien des locaux bien plus que nous. L’expérience de vie a leur cote est sans aucun doute inoubliable et très enrichissante pour bien comprendre leur culture, leur religion et leur philosophie de vie.