Souhaitant me rendre utile, j’ai rejoint pendant 9 jours « Juara Turtle Project », un centre de préservation et de recherche sur les tortues marines, qui accueille des bénévoles, sur l’île de Tioman, à l’est de la Malaisie.
« Juara Turtle Project » est une organisation non gouvernementale. Le Centre ne présente pas de tortues vivantes (il faut aller les voir avec masque et tuba dans l’océan !) mais mène des actions de protection des œufs de tortue et de sensibilisation à la préservation des espèces et écosystèmes.
La protection des tortues marines
Présentation des tortues
Les tortues forment un ordre de reptiles dont la caractéristique est d’avoir une carapace. On les sépare traditionnellement en trois groupes : les tortues terrestres, les tortues d’eau douce et les tortues marines.
Les tortues sont toutes ovipares (elles pondent des œufs pour se reproduire).
Leur alimentation peut se composer de viande ou de végétaux selon les espèces. (Wikipedia)
Il existe 7 espèces de tortues marines présentes dans la zone du Sud-est Asiatique :
- Green turtle : tortue verte
- Hawksbill turtle : tortue à écailles
- Olive Ridley turtle : tortue olivâtre
- Leatherback turtle : tortue luth
- Kemp’s ridley turtle : tortue de Kemp
- Loggerhead turtle : Caouanne, Tortue Carette
Avant, les tortues venaient pondre sur toutes les plages de l’île de Tioman et aujourd’hui plus que sur 4 plages. Seules 2 espèces de tortues sont encore présentes aujourd’hui (tortue verte et tortue à écailles), les espèces de tortues Olivâtre et tortues Luth ne sont plus revenues depuis plus de 25 ans.
Toutes les espèces figurent sur la liste des espèces en danger.
Les tortues sont apparues il y a 120 à 150 millions d’années. Elles ont survécu à l’extinction des dinosaures. De plus de 1 billion d’individus à l’époque, elles sont passées à seulement 1,5 million actuellement.
Le cycle de vie des tortues marines
Les tortues doivent faire face à un véritable challenge car elles doivent attendre d’avoir 20 à 30 ans pour pouvoir se reproduire.
Lorsqu’elles sont sexuellement matures, elles reviennent vers la plage de leur naissance pour pondre.
De nuit, elles sortent de l’eau, remontent vers le haut de la plage, où elles creusent un trou de 50 à 80 cm de profondeur avec leurs nageoires avant de pondre et de recouvrir les œufs. Puis elles retournent à l’océan, laissant derrière elles des traces repérables sur le sable.
Après 6 à 8 semaines d’incubation dans le sable, les bébés tortues remontent à la surface, et instinctivement rejoignent l’océan, suivant le reflet de la lune.
Elles possèdent un instinct de nage pendant 3 à 7 jours, boosté par un stimulant présent dans l’œuf, qu’elles utilisent pour rejoindre les grands courants de l’océan au large.
Elles grandissent au large, jusqu’à leur maturité sexuelle, où elles feront le chemin inverse pour retrouver leur secteur de naissance.
Pendant ma présence à Juara, j’ai eu la chance d’assister à la sortie du sable de bébés tortues !!!
La saison de ponte s’étale de mars à novembre.
Le sexe des tortues ne dépend pas des chromosomes, mais de la température du sable lors de l’incubation. En dessous de 29°C, les œufs donneront des mâles (œufs au fond du nid) ; au dessus de 29°C, des femelles (œufs sur le dessus).
Tortue verte | Tortue à écailles | |
Age de maturité sexuelle | 30 ans | 20 ans |
Régularité des pontes après maturité sexuelle | 2 à 6 ans | Chaque année |
Nombre de pontes par saison | 4 à 8 | 4 à 8 |
Nombre d’œufs moyens par ponte | 120 | 150 |
Ce qui représente environ 1000 œufs par femelle par saison.
Leur espérance de vie est de 80 à 100 ans.
Malheureusement, sur 1000 œufs pondus par une femelle sur une saison… peu atteindront l’âge de se reproduire…
Les menaces qui pèsent sur les tortues
Taux de survie naturel
-
le taux d’éclosion est d’environ 80%. Certains œufs ne sont pas fécondés, certains embryons ont des malformations, d’autres se font manger par des crabes…
- lorsque les bébés tortues sortent du sable, seulement la moitié atteignent l’océan : crabes, oiseaux, varans… ou désorientation qui emmène le petit dans une direction opposée à l’océan,
- parmi ceux ayant atteint l’océan, 50% meurent dans les premières semaines, de fatigue ou dévorés par les prédateurs,
- puis en grandissant, les dangers restent présents : prédateurs, maladies…
Compte tenu de ces menaces naturelles, le taux de survie à 20/30 ans est d’environ 20 pour 1000…
Mais c’est sans compter l’existence de l’homme !!!
Menaces humaines pesant sur les tortues marines
Les prédateurs naturels mangent surtout les jeunes tortues, mais ce n’est pas le facteur prépondérant de leur déclin contrairement à de nombreux préjugés.
80% des tortues ont disparu sur les 10 dernières années. Elles sont vouées à disparaître d’ici 20 à 50 ans, principalement à cause du développement des activités humaines :
- les filets et fils de pêche dans lesquels les tortues se font attraper accidentellement. Même si elles peuvent rester de 1 à plusieurs heures sous l’eau (selon les espèces et selon leur activité), elles doivent remonter en surface pour respirer. Coincées dans les filets tombés ou abandonnés au fond de l’eau, elles finissent malheureusement par se noyer. On estime les pertes à 40 000 tortues par an !
- la consommation des œufs et de la viande de tortue, qui reste légale dans certains pays, dont la Malaisie continentale (mais illégal sur Bornéo) ; ainsi que l’utilisation des œufs ou carapaces pour la fabrication de souvenirs ;
- le développement humain le long des plages. Les hôtels et constructions empiètent sur les plages, les lumières artificielles et le bruit effrayent les femelles qui ne viennent plus pondre sur les plages et désorientent les petits à la naissance… leurs sites de pontes se réduisent comme peau de chagrin ;
- les modifications de leur habitat : réchauffement climatique, augmentation de la température et de l’acidification des océans, pollution des plages…
- la pollution humaine : les dégazages, le plastique… les tortues mangent les sacs plastiques flottant dans l’océan, les confondant avec des méduses, les bébés tortues avalent les mégots de cigarette pensant qu’il s’agit de plancton. Non digérés, ces éléments causent des occlusions intestinales, menant à la mort des individus.
Compte tenu de ces nouvelles menaces, le taux de survie chute à … 2 pour 1000 voire moins ! (dans la région de Tioman, 1 tortue sur 10 000 oeufs arrive à maturité !).
Avant, il y avait de nombreux nids de tortues (peut-être plus de 1000 en 1950). Malheureusement, un déclin important est constaté. En 2017, 45 nids ont été recensés, seulement 22 cette année sur les 3 plages surveillées par JTP.
Le travail de « Juara Turtle Project »
Le programme de protection des tortues de Juara, composé du personnel présent à l’année, de stagiaires long terme et de bénévoles court terme, réalise les actions suivantes :
Patrouilles quotidiennes
Sur la plage de Mentawak (en face du programme), à pied la nuit (début ou milieu de nuit selon la marée, et 5h30), et chaque matin en bateau sur deux autres plages non accessibles à pied, les bénévoles et le personnel surveillent les plages pour limiter la perturbation des éventuelles pontes par les hommes ou les animaux et éviter le braconnage des œufs de tortues.
Ces patrouilles se font avec une lumière rouge pour éviter de gêner les éventuelles tortues sur la plage ou en approche. J’ai pu participer à plusieurs pendant mon séjour.
Récupération des œufs et surveillance en « couveuse »
Si une ponte est constatée, les équipes récupèrent soigneusement les œufs pour les mettre en couveuse sur la plage de JTP (avec autorisation du gouvernement). Les œufs sont soigneusement replacés dans un trou de même diamètre et de même profondeur que celui dans lequel ils ont été trouvés. Cette pratique permet, par un environnement protégé (grillage fermé à clef) et une surveillance quotidienne, d’augmenter le taux de naissance. La couveuse est vérifiée 3 fois par jour par les bénévoles, et un piège à crabe est installé à côté du nid.
Cette année, les bénévoles et staff de JTP ont collecté 22 nids, sur 3 plages différentes. C’est malheureusement peu… Ils ne savent pas expliquer la baisse par rapport à l’année dernière (45). C’est maintenant la fin de la saison de ponte, et il est peu probable d’en trouver de nouveaux.
Relâcher les bébés tortues à l’océan
Les œufs incubent pendant 6 à 8 semaines dans le sable. Les bébés tortues remontent seuls à la surface. Dès que les naissances sont constatées lors des 3 vérifications quotidiennes, les tortues sont relâchées au plus vite à l’océan pour ne pas interférer avec leur instinct naturel. La réalisation de cette étape par les équipes permet d’augmenter le taux de survie des bébés tortues viables de 50% à 100%, évitant les menaces naturelles que sont les crabes, les oiseaux, les varans…
Pendant mon séjour, j’ai eu la chance d’assister à la naissance de bébés tortues !
Lors d’une de mes tournée à 5h du matin, j’ai constaté la naissance des bébés du nid n°22 🙂 Après avoir réveillé tous les bénévoles et un membre du staff, nous les avons relâchés à l’océan… Longue vie à eux !
Participation à la collecte de données
De nombreuses données importantes chiffrées sont enregistrées : date et lieu de chaque ponte, espèce, nombre d’œufs collectés, date d’éclosion, mesure des 10 premières tortues de chaque éclosion…
L’éclosion s’étend sur plusieurs jours : en général 1 à 3 tortues en premier; puis la majeure partie du nid (88 la même nuit pour le nid n°21), et encore quelques retardataires ensuite. Au bout de 4 ou 5 jours, les équipes réalisent une « extraction » du nid, pour étudier les causes de non éclosion des derniers oeufs (non fécondés, virus, vers ou crabe ayant mangé l’oeuf, arrêt en cours de développement…).
J’ai eu la chance de participer à l’analyse du nid n°21, et à la relâche des derniers bébés tortues survivants de ce nid ! Une expérience extraordinaire…
Ces données sont envoyées au Département de la pêche de l’Etat de Rantau Abang (région locale) pour compiler avec les autres programmes de conservation du pays, et régulièrement échanger sur les pistes d’amélioration à mettre en place pour améliorer la préservation des tortues ; ainsi qu’au SWOT (organisation internationale de protection des tortues).
Les autres activités du centre JTP
Réimplantation de coraux
Les coraux sont des animaux, qui vivent en symbiose avec une algue. Ils sont indispensables à l’équilibre de l’écosystème marin.
Malheureusement, ils ont été récemment beaucoup abîmés par les activités humaines (pêche, collecte pour souvenirs, coups de palmes des touristes…)
Aussi, le Centre JTP a récemment mis en place un nouveau projet, qui consiste à fixer des morceaux de coraux sur des supports, et régulièrement aller les nettoyer à la brosse à dent pour favoriser leur croissance.
Le nettoyage des plages et le recyclage
Ce n’est plus un secret, l’océan regorge malheureusement de tonnes de déchets plastiques, restes de filets de pêche et autres ordures. JTP s’implique dans le nettoyage de quelques plages de Juara, dont une, à quelques minutes de bateau, particulièrement dégradée.
J’ai eu l’occasion de participer ½ journée au ramassage… et ce fut vraiment éprouvant… Après avoir escaladé les rochers glissants, on découvre le désastre et on prend son courage à deux mains…
- 17 personnes (bénévoles et staff de JTP, partenaires et quelques habitants),
- 2h de ramassage…
- 4000 bouteilles plastiques,
- 700 morceaux de polystyrène,
- 80 tongues,
- des bidons, des filets de pêche … et tant d’autres choses
En parallèle, un travail est fait localement avec les commerces et hôtels de Juara, pour favoriser le recyclage à la source des conserves, canettes, bouteilles en plastique. Une sensibilisation a également été faite pour limiter l’utilisation du plastique (pailles notamment).
A partir des déchets récupérés, j’ai proposé de faire une sculpture artistique… avec quelques autres bénévoles, nous voici à l’oeuvre avec les tongues récupérées !!!
Lavage, assemblage, peinture…
En quelques jours, une nouvelle espèce est née… je vous présente : « flip flop turtle » ou « Tort’tongue » 😉
Le centre de soin des chats
Les chats deviennent une espèce envahissante sur l’île, menaçant certains animaux sauvages (comme les serpents). JTP a construit un bâtiment pour recueillir, soigner et permettre l’adoption des chats errants, et organise des campagnes de stérilisation.
Particularité liée à la consanguinité de cette espèce… la queue des chats rétrécit (on a l’impression qu’il manque un bout), et certains chats ont… 7 coussins à chaque patte !
La sensibilisation des touristes et des écoliers
Tous les jours, les touristes sont accueillis par les bénévoles et peuvent bénéficier des explications sur les tortues, la visite de l’écloserie, des films de sensibilisation…
Pas de tortue vivante, mais nous espérons que ces échanges permettront d’augmenter la prose de conscience et modifier, goutte par goutte, les comportements pour plus de responsabibilisation.
Travailler avec le gouvernement
Les lois actuellement en place ont besoin d’être renforcées. Le Centre JTP encourage le gouvernement à soutenir les départements de pêche et les parcs marins. Il serait également souhaitable que le gouvernement rende la collecte des œufs illégales et contrôle le développement des plages.
Les moyens financiers
Le centre est financé par des fonds privés :
- Dons d’organismes privés,
- Activités avec les écoles et groupes,
- Participation financière des touristes pour les visites et des bénévoles pour leur séjour
Plus d’informations : www.juaraturtleproject.com
Facebook : Juara Turtle Project
Instagram : @juaraturtleproject
Centre des chats :
Facebook : Juara Animal Welfare
Instagram : @juaraanimalwelfare
Coucou Stéphanie, très heureuse de pouvoir te lire.
Bisous
Monique ou Tantine
Coucou !
Je voulais savoir comment tu avais réussi à faire cette mission de bénévolat !
Actuellement en Malaisie, je suis à la recherche de missions de ce type, je serais donc ravie que tu puisses me donner les coordonnées et les démarches que tu as pu avoir 😊
En tout cas, félicitation pour ta mission, et ta sculpture, c’est vraiment génial !!
Julie.
Bonjour Julie, désolée je ne regarde plus souvent et ne mets pas mon blog à jour souvent, par manque de temps malheureusement !
Merci pour ton message. J’ai trouvé ce bénévolat grâce à leur site internet. C’est un lieu super, les encadrants sont au top, les bénévoles tous hyper sympas et ouverts d’esprit et on en apprend beaucoup sur les tortues, l’écologie et la protection animalière en général. si tu as l’occasion d’aller là bas, n’hésites pas !