Asie du Sud-Est / Récits de voyage

Bornéo (1/3) : à la recherche des derniers orangs-outans sauvages

Bornéo… une île qui me fait rêver depuis longtemps, pour son côté sauvage, la nature et les animaux… Après un mois sur l’île de Sulawesi avec mon chéri Jérôme, nous prenons le 5 novembre, un avion pour Bornéo. Après une longue hésitation, nous optons pour la plus sauvage et non touristique côte Est, et atterrissons donc à Balikpapan.

 

Un peu de culture…

Bornéo est la quatrième plus grande île au monde après l’Australie, le Groenland et la Nouvelle-Guinée. Elle compte 20 millions d’habitants (densité : 27 hab./km2). Le territoire est partagé entre trois Etats :

  • 73% l’Indonésie au sud (Kalimantan),
  • 26% la Malaisie au nord (partagée entre deux états : le Sabah à l’est et le Sarawak à l’ouest)
  • 0,8% le Brunei, territoire plus riche (notamment grâce au pétrole).

Bornéo est un lieu de grande biodiversité, mais la régression de la forêt tropicale humide est une menace pour de nombreuses espèces végétales et animales. (wikipedia)

 

A la recherche des orangs-outans sauvages au Parc National de Kutaï

A la recherche d’un guide pour commencer…

A Balikpapan, nous commençons par essayer… le coiffeur local pour Jérôme ! Pas évident de se faire comprendre mais le tout est d’avoir un peu moins chaud ! Le jeune homme est tout stressé de coiffer un Européen… et raser la barbe… ha ha ha… les asiatiques n’ayant que trois poils, le rasoir n’est pas bien adapté… Drôle moment de partage, et un selfie avec le coiffeur… tellement soulagé et fier à la fin de sa prestation !

Nous cherchons ensuite un guide qui pourra nous emmener dans la forêt pour observer les animaux, et tout particulièrement les orangs-outans que l’on peut encore trouver à l’état sauvage dans cette région. Après plusieurs contacts, et au vu des prix exorbitants demandés, nous décidons de rejoindre le parc naturel par nos propres moyens. Nous enchaînons alors plusieurs bus publics de Balikpapan à Sangatta, longue journée entre retards et fou du volant. C’est durant ce trajet que nous traversons… l’équateur ! Nous voilà de nouveau dans l’hémisphère nord !

Finalement, nous arrivons à avoir un contact direct avec un ranger du parc, et après avoir fait le plein de nouilles instantanées, nous remontons un bout de la rivière, 25 min en pirogue, pour arriver à l’entrée du parc.
Attention en descendant de bateau… présence de crocodiles ! Bienvenue dans la jungle de Bornéo !

 

Le Parc National de Kutaï, et la zone d’observation de Prévab

Le parc national de Kutaï a été créé en 1982, pour protéger cet espace de la déforestation, notamment due, à cet endroit, à l’exploitation minière. Malheureusement, un grand incendie en 1982/1983 l’a considérablement abimée. Ce parc compte presque 1000 espèces végétales (dont 41 espèces d’orchidées mais ce n’est pas la saison pour les observer, et 220 espèces de plantes médicinales), 90 espèces mammifères (dont les orangs-outans, singe nasique, singe gibon, panthère nébuleuse, écureuil volant, ours malais…) et 300 espèces d’oiseaux. Le nombre d’orangs-outans a malheureusement chuté drastiquement.

La « maison des rangers » est aménagée avec une grande terrasse, une cuisine, deux chambres et une salle de bain ; le tout sur pilotis pour éviter au maximum les animaux, à l’image de ce varan, qui se délecte des poubelles des précédents visiteurs.
Nous rencontrons le ranger qui va nous accompagner aujourd’hui et demain, car il est bien sûr interdit de partir seuls dans la forêt !

Nous partons directement pour une première balade de 2h. Nous sommes à Prévab, un secteur du Kutai National Park, qui est bien aménagé pour les touristes et pour les études de biodiversité (chemins à peu près visibles et passerelles en bois dans les endroits difficiles).

Il pleut et nous nous abritons dans une sorte de rotonde en bois, mais ce temps n’est pas favorable à l’observation des animaux (les orangs-outans n’aiment pas la pluie) donc nous rentrons à la base.

Le soleil se couche tôt et après la douche (froide), notre guide ayant disparu (?!), nous nous préparons des pâtes instantanées. Nous sommes un peu inquiets… il ne réapparaîtra que le lendemain ! En fait, il est allé voir des collègues, et il s’est endormi la bas !

 

Aujourd’hui nous avons RDV avec des orangs-outans

Levé matinal (6h) au son de la forêt et nous partons explorer de nouveau la forêt à la recherche des orangs-outans. Après 2h30 de marche, le nez en l’air, et les oreilles aux aguets… là ! çà bouge en haut de l’arbre !!! Une famille orang-outan est en train de déguster des fruits : papa, maman, un ado de 15 ans et un bébé de 2 ans. Habitués un peu aux visiteurs, ils ne sont pas très timides, et tout en respectant une distance de sécurité, ils nous observent et se laissent observer pendant 1h30 ! un vrai plaisir !

Les orangs-outans vivent, la plupart du temps, en « couple » quand ils ont un bébé. Puis vers l’adolescence, c’est-à-dire « normalement » vers 6/7 ans, le jeune est assez autonome pour vivre sa vie seul et les parents peuvent avoir un autre petit. Bon il semble que nous soyons donc en présence d’un Tanguy ici…

Ils mangent des fruits et des jeunes feuilles d’arbre. Pour dormir, ils se fabriquent chaque soir un nouveau nid en haut des arbres avec des branches qu’ils entremêlent. La maman dort avec son petit et le papa un peu plus loin. Ils n’aiment pas la pluie et se cachent sous les feuilles quand il pleut. Ils ont rarement besoin de descendre au sol.

Dans l’après midi, nous faisons une autre balade plus loin dans le parc, et aurons de nouveau la chance d’observer ces grands singes : un mâle plus âgé cette fois, au pelage foncé, et une jeune femelle ; mais notre présence les dérange et ils se cachent rapidement (et facilement, il leur suffit de grimper un peu plus haut !)

 

 

 

Balade nocturne dans le parc

Après dîner (des nouilles instantanées 😉 ), nous ressortons pour une balade nocturne, au cours de laquelle nous pouvons apercevoir des animaux complètement différents : phasmes, araignées, grenouilles, scorpions… et un oiseau qui dort ! c’est tellement drôle çà, je ne m’étais jamais posé la question si les oiseaux dormaient ?! Et bien oui, ils se posent juste sur une branche et dorment !!!

Nous dormons une deuxième nuit dans la cabane des rangers. Le lendemain, heureux de notre expérience, et d’avoir réussi à nous débrouiller par nos propres moyens pour arriver ici, nous reprenons la pirogue et rattrapons la route qui mène à la ville.

 

Se déplacer à Bornéo… une aventure en soi

Nous souhaitons maintenant rejoindre le village de Merabu, 250 km plus au nord, qui a développé de l’écotourisme. Pas évident de se déplacer dans cette région. Pas ou peu de bus, donc nous optons pour le stop au début, puis payons un local avec sa voiture. Le village étant isolé, c’est une option plus sécurisante pour arriver à bon port. Nous lui demandons de s’arrêter en route à un distributeur, et çà c’est un peu la galère ! 5 distributeurs et 1h de perdue pour finalement réussir avec la 3ème carte bancaire… bref…

La nuit est tombée, notre chauffeur quitte la route principale pour s’engager sur la piste qui mène au village. Nous traversons une exploitation d’huile de palme et arrivons à la rivière, mais plus de bateau à cette heure là… Ne souhaitant pas rebrousser chemin, nous cherchons à loger pour la nuit. Impossible. Finalement, nous trouvons un 4×4… Stéphanie dans la cabine, et Jérôme dehors à l’arrière du pick up avec les jeunes qui s’amusent à nous accompagner… une heure de piste et de dérapages plus tard, nous débarquons, vers 21h30, chez le maire du village de Merabu, avec qui nous avions eu quelques échanges de messages, mais qui ne nous attendait pas vraiment dès ce soir ! Malgré cela, il nous accueille très généreusement chez lui.

 

Merabu : un village résistant à l’envahisseur

Quand le maire mise sur la forêt plutôt que sur l’huile de palme

Merabu est un village de 200 habitants, situé entre une exploitation d’huile de palme et la rivière. Ce n’est pas évident d’y accéder, mais les efforts de ce village pour protéger leur environnement méritent les heures de route.

Originaire de Sulawesi, Franly Oley est arrivé comme charpentier pour l’école du village en 2009. L’amour l’a fait s’installer définitivement à Merabu et seulement deux ans après, il devient le maire. Face à l’expansion des cultures d’huile de palme, il choisit une autre alternative pour son village et mise sur la forêt et l’écotourisme. En 2014, il réussit à faire classer par le Ministère de la Forêt d’Indonésie, 22 000 ha en forêt protégée.

Par ailleurs, il a fait installer une unité de production d’électricité grâce à des panneaux solaires, ce qui fournit le courant à tout le village, et toute la journée (contrairement au village voisin, dépendant de la firme d’huile de palme qui n’en a que de 18 à 23h).

Franly a ensuite développé un projet d’éco-tourisme, pour faire découvrir le village, les efforts de protection de la forêt et apporter des revenus supplémentaires aux habitants. Ainsi, un homestay (chambre d’hôte) accueille les touristes (nuits +repas), plusieurs hommes sont devenus guides et apprennent un peu d’anglais, l’épicerie vend un peu plus de produits et les droits d’entrée financent une partie du fonctionnement.

Nous souhaitons saluer les efforts, l’investissement et la vision à long terme de Franly et de son village. Voici une initiative qui redonne espoir et que nous avons eu plaisir à soutenir par notre passage. Bravo !

 

   

 

Balade au lac

Le lendemain, Franly nous emmène au bureau pour planifier des balades en forêt. Nous faisons nos provisions de nourriture à l’épicerie (pâtes instantanées, sardines) et partons avec un guide local. Nous voici de nouveau sur une pirogue, à remonter la rivière, au milieu d’une forêt verdoyante. Puis un peu de marche à pied, et nous arrivons à un joli petit lac, aménagé pour la baignade. L’eau est fraîche, ce qui n’empêche pas les jeunes des villages alentour de venir s’amuser ici, c’est dimanche, donc pas d’école.

Nous faisons avec notre guide une petite balade pour observer beaux arbres et petits animaux. Dans la démarche d’éco-tourisme et de protection de la forêt, les grands et majestueux arbres de ce secteur peuvent être adoptés, par qui le souhaite, pour une durée de 2 ou 3 ans, ce qui garantit qu’ils ne seront pas coupés pour les besoins des habitants ou pour la vente.

La pluie nous force à rentrer au campement. Notre guide fait chauffer de l’eau au feu de bois, installe notre tente sur les pilotis en bois. Dîner de nouilles sardines, puis la nuit sera rude sans matelas, et surtout courte, car le réveil sonne à avant 5h00…

 

 

 

Et la forêt se réveille, c’est tellement magnifique

Notre guide nous emmène pour le levé du soleil… çà grimpe un peu… un peu !?!… 1h30 de montée où les mains sont aussi indispensables que les pieds pour avancer… je suis rouge comme une pivoine, on dirait que ma chemise sort de la lessive tellement elle est trempée… quoi que vu l’odeur, il faudrait plutôt qu’elle aille direct à la lessive ! Je suis à bout de souffle…

mais c’est pour mieux avoir le souffle coupé quand nous arrivons en haut !
Quel spectacle magnifique, grandiose, incomparable…
Pas de mot pour décrire la beauté de la forêt tropicale qui se réveille, le chant des oiseaux, la brume qui s’élève et laisse apparaitre la verdure majestueuse de la forêt…
juste wouhaouuuuuu !

  

Le réveil de la forêt

Une piqure de guêpe me ramène à la réalité… ha ha ha… La descente sera bien plus rapide que la montée, et nous retrouvons notre campement pour le petit déjeuner (nouilles, sardines, et oui !). Une nouvelle piqure sur les fesses en allant faire pipi, et c’est l‘heure de rentrer au village à pied et en pirogue.

 

Les peintures rupestres

Nous faisons le plein de provisions et après la pluie torrentielle, partons avec un autre guide pour une autre balade en forêt, toujours aussi agréable.

Le campement de ce soir est à l’abri de la roche, à la belle étoile. Notre guide allume le feu de bois pour faire le repas (riz nouilles sardines ;-)). J’essaye de faire sécher mes chaussettes au dessus du feu.. car j’avais malheureusement laissé mes chaussures sous la gouttière lors de la pluie de cet après midi !
Et ce soir là, nous battons notre record, nous nous couchons à… 19h !

Le lendemain, nous montons observer les peintures dans une grotte. Puis nous rentrons au village.

 

Transport jusqu’à la frontière Malaisienne

Après une nuit au homestay (chambre d’hôte) du village, nous devons partir en 4×4 pour rejoindre la route principale. La pluie retarde notre départ de 3 heures, c’est comme çà ici !
A peine après quelques km, notre voiture s’embourbe dans la terre détrempée… 1 heure de plus…
Nous traversons l’exploitation de palmiers à huile implantée sur le village voisin, et rejoignons la route principale.

Toujours pas de transport public même sur la route principale,  donc nous continuons en stop, et avons la chance d’être emmenés par Tito, candidat à l’élection sénatoriale (de retour de meeting pré-élection), et sa chauffeuse, Rina (rare de voir une femme conduire ici). Ils parlent tous les deux bien anglais et nous avons d’intéressantes conversations tout au long de la route. Ils ont la gentillesse de nous trouver un hôtel et de nous y déposer à notre ville d’arrivée !!!

Le lendemain, après un tour au marché de Bérau, nous continuons en stop jusqu’à Tanjung Salor, puis un bateau nous emmène à Tarakan, et enfin, le ferry pour Tawau où nous passons la frontière pour la partie Malaisienne de Bornéo…

Quand je disais que les transports sont compliqués et longs dans ce secteur…

 

La forêt tropicale disparaît… et tout le monde s’en fout 

Impossible de parler et de visiter Bornéo sans être interpellé par le problème majeur de la déforestation, notamment à cause des cultures d’huile de palme.

L’huile de palme est une huile végétale extraite de la pulpe des fruits du palmier à huile. L’Indonésie et la Malaisie sont aujourd’hui les principaux pays producteurs mondiaux (85 % de la production). Avec plus de 50 millions de tonnes chaque année, c’est l’huile végétale la plus consommée au monde. Ingrédient des cuisines traditionnelles, elle est actuellement massivement utilisée dans les pays non producteurs pour la fabrication d’aliments transformés, en remplacement des graisses animales (saindoux, beurre…) et des huiles végétales hydrogénées (wikipedia). Elle est également utilisée en tant que « bio » carburant pour les véhicules.

Malheureusement, l’augmentation mondiale de la demande en huile de palme a des conséquences désastreuses, car elle entraîne une importante déforestation des dernières forêts primaires, et représente une menace pour de nombreuses espèces animales en danger d’extinction, qui n’ont plus de territoire pour vivre. Nous en avons été témoins en voyageant sur Bornéo, où les ha de forêt ont laissé la place à des plantations parfaitement alignées de palmiers à huile, sous lesquels plus rien de pousse, et qui forcent les animaux à trouver une autre zone pour vivre et manger, zones qui se réduisent comme peau de chagrin.

1ha de plantation de palmiers à huile rapporte 3 millions de Roupies Indonésiennes par mois (190€, 0,50€ le kg de fruits). Plus d’un million d’hectares ont été cédés par l’ancien gouvernement à de grosses entreprises pour des concessions renouvelables de 20 ou 25 ans. Certes, celà fournit du travail aux habitants locaux… mais dans quelles conditions et à quel prix, l’argent revient-il réellement aux villageois et au pays ? J’en doute…
Sur une surface totale de 60 000 ha, le village de Merapu (voisin de Merabu qui fait l’éco-tourisme) est exploité par une entreprise privée sur 50 000 ha, soit… un chiffre d’affaire de plus de 100 millions d’Euros par an. C’est sûr que çà semble plus rentable qu’une forêt… à court terme… snif

Et à celà, s’ajoute  la déforestation due à l’exploitation minière de charbon, et également la culture sur brûlis encore utilisée par les agriculteurs locaux pour cultiver du riz ou des légumes, sur un terrain qui est plus fertile les quelques années après avoir coupé les arbres.

 

 

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